Les stéréotypes de genre sont le plus souvent inconscients et procèdent de croyances ancrées.
Les stéréotypes en général sont des croyances partagées sur les caractéristiques, traits de personnalité, comportements, attitudes, des membres d’un groupe, qui :
- fonctionnent sur la base d’une généralisation,
- minimisent les différences entre les individus d’un groupe et accentue leurs similitudes,
- peuvent-être positifs ou négatifs,
- peuvent être vrais ou faux quand on les applique à un individu.
Et notre éducation, notre environnement, notre culture ont un impact sur la façon dont on voit le monde, qui tend à renforcer davantage la portée de ces biais.
Savez-vous que le cerveau doit traiter environ 60 000 informations…
Non, pas par an ou par semaine, mais par jour !
Il a donc tendance à faire des raccourcis, sur la base de généralisations, dans le but d’analyser rapidement des situations.
Pensez à toutes les micro-décisions que vous prenez au quotidien. La plupart du temps, sans même vous en rendre compte.
Marcher jusqu’à la cuisine. Ouvrir le tiroir où sont rangées les capsules de café. Prendre une capsule. La mettre dans la machine. Appuyer sur le bouton. Etc.
Et comme le cerveau cherche à être efficace, il ne repart pas de zéro à chaque fois.
Il prend la meilleure action possible sur la base de ce qui lui semble le plus sûr, ou d’un faisceau d’indices emmagasiné dans sa mémoire.
Prenons l’exemple de rentrer un soir dans une ruelle sombre.
Si je rentre chez moi en pleine nuit et que j’entends des pas pressés derrière moi, dans une ruelle, mon cerveau va se mettre automatiquement en mode DANGER.
Je ne vais pas immédiatement me dire que cette personne a envie de rentrer rapidement après une journée chargée.
Pourtant, c’est peut-être le cas.
NON. Je vais chercher à accéder le plus rapidement possible à une voie passante ; ou me retourner brutalement en agrippant mes clés.
Je vais généraliser une situation parce que je n’ai pas le temps concrètement d’affiner mon analyse.
Alors avec la demi-seconde que j’ai devant moi pour prendre une décision, l’équation est simple : femme + nuit + ruelle + pas pressés = gros danger.
Et si ce réflexe de protection est absolument vital pour notre défense, parfois ces généralisations sont appliquées dans la vie quotidienne, alors même qu’aucun danger n’entoure notre prise de décision.
Les stéréotypes fonctionnent de la même façon.
Voici quelques exemples de stéréotypes en général pas forcément liés au genre :
- les handicapés ne sont pas performants,
- si on n’a pas de diplôme, on n’est pas compétent,
- recruter une femme est risqué, elle va avoir beaucoup d’absences au travail,
- les séniors sont moins productifs.
Appliqués au genre, les stéréotypes généralisent des caractéristiques et attributs selon qu’on est un homme ou une femme.
Nous allons aborder leur impact sur votre carrière, notamment quand ces biais sont internalisés. Je vais vous donner des exemples tirés de la publicité, qui souvent reflète la société.
1. l’impact des stéréotypes de genre sur votre carrière
L’impact des biais externes
Les stéréotypes externes sont ceux qui font partie de la culture commune. La culture d’un pays, d’une entreprise, d’une famille ou d’une équipe.
Au travail, c’est ce qui peut faire que votre nom n’est jamais prononcé au moment des réunions de promotion, qu’on vous coupe systématiquement la parole au milieu d’une phrase, qu’il y a des soupirs au moment d’évoquer la possibilité de vous confier un projet, etc.
Cela peut déboucher sur du sexisme ordinaire ou hostile, voire de la discrimination, qui ont un impact sur la confiance en soi, l’estime de soi et la performance individuelle et collective. Ces comportements sont sanctionnés par la loi.
Vos leviers dans ces cas-là ?
Il y en a plusieurs, notamment :
- choisir soigneusement l’environnement dans lequel vous travaillez et vous assurer qu’il y a de solides plans d’actions en interne,
- remonter systématiquement les cas dont vous êtes témoin ou victime,
- ne donner aucune signification à ces propos par rapport à vous en comprenant que ce ne sont que des croyances sans fondement,
- évidemment, continuer à vous montrer, à être présent.e.
L’impact des biais internes
Ces généralisations faites à propos d’un groupe d’individus, sans fondement, sont parfois tellement ancrées qu’on finit par les internaliser pour les autres mais aussi pour soi.
Ca commence tôt, dans l’éducation des petites filles qui absorbent une vision genrée du monde, pas toujours égalitaire, et même parfois franchement sexiste.
Et en tant que coach, c’est ce que j’observe jour après jour auprès des personnes que j’accompagne.
Ainsi, l’impact de ces biais peut vous conduire à penser, qu’il n’y a qu’une certaine catégorie de personnes qui réussit, que vous êtes trop jeune, ou trop âgée, que vous n’avez pas les compétences. Ou alors vous laisser penser que les tâches ménagères ou les charges familiales vous reviennent.
Par peur de vous faire remarquer ou parce que vous vous conformez inconsciemment à l’image que les autres ou la société ont de vous.
Cela peut aller jusqu’à ne pas remettre en question la pensée commune pour éviter une dissonance cognitive.
Qu’est-ce que la dissonance cognitive ?
C’est quand une pensée ou un comportement entre en conflit avec notre représentation interne du monde. Ce conflit crée un inconfort tellement important que nous allons tout faire pour chercher activement les informations qui confirment cette vision plutôt que de la remettre en question.
Vous n’en avez pas forcément conscience, mais peut-être que :
- vous ne pouvez pas vous empêcher de penser que les femmes qui réussissent sont forcément masculines, ou qu’elles ont des talents que vous n’avez pas,
- vous avez peur de progresser dans votre carrière du fait de l’image que vous avez des qualités requises à ce niveau de poste,
- vous hésitez à annoncer votre grossesse, de peur d’être vue comme un frein pour l’entreprise.
Et, ça joue également sur ce que votre confiance en vous et votre sentiment de légitimité :
- vous vous cachez derrière votre gobelet en plastique en réunion au moment où le chef demande si quelqu’un veut ajouter quelque chose,
- vous passez votre tour dès qu’on vous parle d’un projet qui comporte les mots “complexe” et “visible” dans la même phrase,
- “Prendre la parole lors du prochain séminaire de team building, moi ?”, demandez-vous en vous retournant pour vérifier que c’est bien à vous qu’on parle,
- c’est toujours vous qui faites la sortie des classes (attention, si vous cochez cette case, ajoutez 10 points),
- et globalement vous vous effacez dans votre développement de carrière (“40 ans de carrière, j’ai le temps, non ?”).
Il y a aussi des stéréotypes internalisés chez les hommes, notamment autour de la pression à passer de longues heures dans un travail qui doit être plus rémunérateur qu’intéressant (j’en parle dans cet article lié au rapport à l’argent).
Leur impact est puissant, et il est absolument essentiel de les ramener à un niveau conscient pour les reconnaître comme étant des pensées sans fondement et les empêcher de façonner votre vie.
2. Stéréotypes de genre appliqués à la publicité
J’aimerais maintenant vous donner quelques illustrations appliquées au genre et à l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’univers de la publicité.
La publicité suit la culture commune.
On peut blâmer des publicités particulièrement mal tournées et, bien sûr, les retirer systématiquement.
Pour autant, en amont, il est important de comprendre qu’elles reflètent la société et une pensée inconsciente collective, afin de prendre les mesures pertinentes pour lutter efficacement contre les stéréotypes.
D’ailleurs, il est souvent intéressant d’analyser les publicités ou réclames d’une époque pour mieux comprendre sa culture d’un point de vue historique.
Et ces publicités sexistes peuvent être tellement subtiles qu’elles ne sont pas immédiatement perceptibles. Cependant, sans le vouloir, elles renforcent ces stéréotypes.
Illustration 1 – campagne du salon de l’étudiant
La première illustration est une campagne d’affichage dans le métro datant de 2017 et annonçant le Salon l’étudiant.
Il s’agit d’un salon annuel permettant aux jeunes de choisir leurs futures études. De nombreuses écoles dans différents domaines et secteurs tiennent un stand pour orienter les jeunes.
Sur cette affiche, nous avons trois photos montrant chacune un jeune représentant un secteur d’activité.
D’abord un jeune homme représente les Grandes écoles.
Un autre jeune homme annonce le secteur des métiers d’avenir.
Enfin, une jeune femme annonce les métiers de la santé, du social et du paramédical.
On sait que ce dernier secteur comporte en moyenne les métiers les plus féminisés et les moins rémunérateurs, à l’exception de la médecine générale ou spécialisée.
Dans l’ensemble, il y a donc une séparation entre les grandes écoles et les métiers d’avenir, d’un côté, qui permettent d’accéder aux professions les plus prestigieuses, les plus rémunératrices et avec un meilleur statut, représentées par des hommes, et de l’autre, en troisième position, les métiers de la santé, du social et paramédical donc les métiers où le recrutement et les débouchés sont les plus compliqués.
Cette campagne est clairement sexiste.
Des plaintes ont été déposées pour dénoncer le sexisme et les stéréotypes de cette publicité. Le jury de la publicité a tranché en faveur de ces plaintes, et l’année suivante, en 2018, la campagne d’affichage du Salon de l’Etudiant a été modifiée avec cette nouvelle campagne.
Illustration 2 – campagne Uber
Passons maintenant à une autre illustration. Il s’agit d’une campagne de recrutement de l’entreprise Uber tournée en 2018. Deux photos, l’une représentant une femme et l’autre un homme, tous deux chauffeurs Uber.
La première photo montre “Mariane, chauffeur Uber et maman avant tout”. Mariane est dans une position accroupie, avec sa fille dans les bras.
Mariane est maman avant tout, et Uber cherche à montrer que ce métier laisse de l’autonomie et de la disponibilité pour s’occuper de la famille, qui semblent la priorité de Mariane.
La deuxième photo représente “Fodil, chauffeur avec Uber et jeune chef d’entreprise”.
Il n’y a aucune mention du fait de savoir s’il est papa, mais la publicité laisse entendre que lui a surtout besoin de temps pour se construire un avenir.
Il est debout, dans une position active, et le titre fait référence à un statut de chef d’entreprise, qui montre l’ambition. Le travail et la rémunération semblent une priorité.
Ces deux photos sont caricaturales et sexistes, tant pour Mariane montrée comme mère avant tout, que pour Fodil, dont la seule préoccupation doit être le travail.
Illustration 3 – campagne de l’éducation nationale
Il s’agit d’une publicité pour une campagne de recrutement de l’Education nationale qui date de 2011. On voit deux photos montrant une femme et un homme, tous les deux recrutés par l’Éducation nationale.
La photo de la femme montre Laura, assise contre une étagère, un livre à la main, son genou ramené contre son buste.
L’attitude d’abord : elle est dans une position de repos, qui laisse penser que le travail n’est pas forcément sa priorité.
Et la photo titre “Laura a trouvé le poste de ses rêves”. Le mot ‘rêve’ parle d’un métier de passion, pas forcément très en prise avec la réalité ni très rémunérateur. L’ensemble ne donne pas l’impression d’une femme ambitieuse ou gérant les charges financières de la famille.
Julien, à l’inverse, est assis à son bureau, face à son ordinateur, en train d’écrire. Il a une tout autre posture, active, dynamique, au travail.
La photo titre “Julien a trouvé un poste à la hauteur de ses ambitions”. Il y a là une notion de titre, de pouvoir et d’argent. Avec une exigence (“à la hauteur de ses ambitions”), qui montre qu’il contrôle sa carrière comme ses finances.
En conclusion
Ces publicités exhibent clairement des stéréotypes hommes / femmes.
Dans l’espace public, elles jouent fortement sur l’inconscient des femmes et des hommes, en leur montrant le rôle que chacun doit avoir d’un point de vue social.
Ces stéréotypes créent de la culpabilité et peuvent créer des batailles intérieures inutiles sur la pertinence de poursuivre ses objectifs professionnels.
Il est donc extrêmement important de se détacher de ses stéréotypes, de les reconnaître comme tels à chaque fois qu’ils s’invitent dans l’espace public, et de les combattre.